La Sicile n'a produit que quelques artistes, dont le plus connu est sans doute Antonello de Messine (1430-1479), qui gâta Naples de ses peintures empreintes d'une grande douceur expressive. En sculpture, on notera les personnages pittoresques de Giacomo Serpotta (1650-1732). Le style le plus typique de la Sicile se trouve indiscutablement dans le patrimoine laissé par les Normands, qui est le fruit de la collaboration d'architectes maures et de mosaïstes byzantins. Il se retrouve dans de nombreuses églises de l'île : Monreale, Cefalù, Agrigente... mais surtout à Palerme. Détruites au XVlle siècle par des tremblements de terre, Raguse et Noto ont été rebâties dans un style baroque qui donne la primeur aux effets théâtraux des escaliers et des façades renforcées, dans la crainte de nouveaux séismes. Le style Risorgimento, issu de l'Unité italienne, a laissé quelques chefs-d'oeuvre à Palerme ou Catane, et Mussolini a fait construire ici des exemples pittoresques de pesanteur monumentale.
La littérature
Elle est le reflet de la vieille langue sicilienne, et connaît dès le XIIIe siècle d'ardents défenseurs en la personne d'un Frédéric II (1194-1250), poète à ses heures, et Giacommo da Lentini, qui créa le principe du sonnet. Une poésie aussi rythmique que lyrique qui céda sa place, au XIVe siècle, à une inspiration dantesque avant de sombrer dans l'oubli. Si l'art poétique se fait discret, le sicilien poursuit son ascension à travers les tragédies baroques de Ortensio Scammacca (1562-1648). Puis vient l'heure de l'histoire de l'île comme a pu la décrire l'abbé Giambattista Caruso (1673-1724) et de sa littérature détaillée par Antonio Mongitore (1663-1743). Le XIXe siècle s'ouvre au Risorgimento italien : un Eliodoro Lombardi (1843-1894) encense Garibaldi, tandis que Giuseppe Pitrè (1841-1916) étudie la vie et les moeurs de ses compatriotes. Le vérisme du XIXe siècle apportera une lumière plus sombre mais un regard bien plus franc sur la Sicile, notamment à travers l'oeuvre de Giovanni Verga (1830-1922), qui retrace sans concession la vie locale. Pour autant, ce sont les auteurs du XXe siècle qui restent les plus lus. Le littérateur le plus connu reste l'aristocrate palermitain Tommaso di Lampedusa (1887-1957), auteur du Guépard, immortalisé à l'écran par Burt Lancaster. Plus intellectuel, on ne peut passer sous silence Luigi Pirandello (1867-1936), le dramaturge d'Agrigente, fameux pour ses Six personnages en quête d'auteur ; mais le plus sicilien est sans conteste Leonardo Sciascia (1921-1989), qui a peint avec finesse les moeurs insulaires et leurs liens avec la Mafia. Ses oeuvres les plus appréciées sont Cadavres exquis et Du côté des infidèles, qui mêlent critique sociale et roman policier. C'est dans ce dernier genre que s'illustre Andrea Camilleri et son cher commissaire Montalbano (qui enquête dans la région de Géla), porté à l'écran dans une série de bonne tenue.
La musique
La siciliana, connue dès le XIVe siècle, était avant tout une danse de bergers, qui prit vite une forme plus urbaine et majestueuse. Il faudra attendre la fin du XVIIe siècle pour que cette canzonetta fasse son apparition dans les livrets d'opéras, les sonates et les concertos de Corelli ou de Domenico Scarlatti. Le frère de ce dernier, le compositeur Alessandro Scarlatti (1660-1725) était de Trapani ; Vincenzo Bellini, l'auteur de Norma, est né à Catane. Mais ils ne doivent pas masquer Rosa Balestreri, diva de la chanson populaire sicilienne. La musique traditionnelle a des accents aigres et envoûtants, ponctués souvent par un instrument inattendu... la guimbarde. Appelée marranzanu, ses sonorités tragiques ont séduit Ennio Morricone et le Néo-Jersiais d'origine sicilienne Bon Jovi.
Le cinéma
Si l'on ne peut guère parler de cinéma sicilien en matière de réalisateurs, l'île en elle-même a en revanche été le théâtre de nombreux films, élevés au rang de chefs-d'oeuvre : ainsi, Stromboli, de Roberto Rosselini, montre une terre à la beauté aussi immatérielle que dure. Magistralement orchestré par Lucchino Visconti, Le Guépard évoque le passé féodal de la Sicile. Mais la manne cinématographique vient avant tout du sujet par excellence, maintes fois exploité, jusqu'à la caricature, de la Mafia sicilienne. On ne peut néanmoins pas passer à côté d'Au nom de la loi, de Pietro Germi, ni de Salvatore Giuliano (1961), de Cadavre exquis (1975) et de Francesco Rosi, plus récemment (2003), de Secrets d'Etat de Paolo Benvenut. Mais la peinture sait parfois s'adoucir, avec Cinéma Paradiso (1989), de Giuseppe Tornatore, Kaos, contes siciliens (1984), des frères Taviani ou Respiro (2001), d'Emanuele Crialese, qui montrent la part plus intimiste de l'île.