Installés derrière l'autel, comme leur nom l'indique (retro tabulam), les retables sont le témoignage le plus abouti de la peinture sarde. Sur fond d'or, avec de beaux rouges vifs, ils chantent la gloire des saints, en de nombreuses scènes qui sont autant de vignettes parlantes à l'intention d'une population analphabète. Le XVe siècle est leur grande époque. Formés par des artistes venus de Catalogne dans les bagages des nouveaux maîtres du pays, les peintres locaux donnent naissance à une véritable école. On ne connaît que peu de ces créateurs sous leur véritable identité. La plupart sont passés à la postérité sous des noms sonores, attribués par les commanditaires ou par la critique postérieure : maître de Castelsardo, maître d'Ozieri... Il faudra attendre le XXe siècle pour que la peinture sarde reprenne une place de premier rang avec Mario Sironi, artiste métaphysique dans la lignée de De Chirico, et surtout les peintres de fresques d'Orgosolo. Héritiers spirituels des mexicains Rivera ou Siqueiros, ils ont couvert les murs de leur ville de fresques à caractère social et politique. L'âge le plus marquant de la sculpture sarde est celui de la civilisation nuragique. Les artistes fondent dans le bronze des créatures filiformes, statuettes ou poignées d'épée, qui ne sont pas sans rappeler celles de Giacometti ou des Etrusques.
Saint Efisio
Officier romain de grande valeur, condamné à mort pour avoir affiché et défendu sa foi, Efisio a été soumis à divers supplices - volées de coups de bâton, séjour dans une fournaise -, le seul efficace s'avérant être la décapitation, intervenue à Pula. Quasiment oublié, Efisio a eu un regain de popularité extraordinaire à partir de 1655, lorsqu'il fut invoqué en désespoir de cause lors d'une épidémie de peste. Son intervention ayant été très efficace, il est devenu le saint le plus aimé de l'île. Sa fête, qui dure trois jours, est particulièrement spectaculaire. Un cortège, composé d'un char traîné par des boeufs, entouré de dignitaires religieux et de jeunes déguisés en soldats romains, quitte Cagliari en direction de Pula, lieu supposé de son martyre. Il en revient trois jours plus tard, dans la liesse générale.
L'architecture
Il y a près de quatre mille ans, les habitants de la Sardaigne creusaient des nécropoles dans les falaises. Ces curieuses tombes troglodytes ont été baptisées « domus de janas » (maisons de fées) par les générations suivantes. A la même époque, comme en Bretagne ou dans les Pouilles, des menhirs sont élevés dans toute l'île. C'est avec la civilisation nuragique (1500 av. J.-C.) que l'on assiste à la naissance d'une véritable architecture. Les nuraghi - mot construit à partir de nura, qui signifie « amas » en sarde - sont des constructions tronconiques, sans mortier, dont les pierres sont de dimension cyclopéenne. Les nuraghi ont résisté victorieusement au passage des siècles : beaucoup sont demeurés quasiment intacts. Ironie du destin, les châteaux qui leur font face, bâtis aux temps troubles du Moyen Age sur des buttes élevées, sont presque tous en ruine... Une exception notable est constituée par le château de Sanluri, autrefois dans le fief d'Eleonora d'Arborea, que les propriétaires actuels ont restauré avec soin. A l'égal de l'Aragon et de la Catalogne, la Sardaigne possède un superbe patrimoine de chapelles romanes. Beaucoup ont été construites par les Pisans. On les reconnaît à leur façade généralement bicolore, composée de pierres de couleurs alternées, calcaire clair et basalte sombre. L'âge gothique s'exprime dans la cathédrale de Sassari et dans les édifices d'Alghero, qui reproduisent le style catalan, très décoratif. Les Sardes, de tempérament frugal voire ascétique, n'ont jamais vraiment adopté les outrances du baroque. Quant à l'architecture contemporaine, elle peine à s'imposer. Ses manifestations les plus originales sont peut-être à chercher dans les villas construites sur la Costa Smeralda à partir des années 1960 par des architectes comme Michele Busiri Vici ou Jacques Couelle.
Le cinéma
L'île n'a pas donné naissance à de grands réalisateurs, mais a eu la visite de cinéastes attirés par un mode de vie archaïque et immuable. Cesare de Seta a produit dans les années 1960 des documentaires qui ont fait date, comme Pastori della Barbagia, qui décrit la dure vie des bergers des montagnes. L'un de ses longs métrages a obtenu un grand succès européen. Il s'agit de « Banditi a Orgo-solo », qui plonge dans le monde des bandits et des brigands. Thème inépuisable, la vie pastorale a été exploitée par les frères Taviani, qui ont porté à l'écran le roman autobiographique de Gavino Ledda, berger illettré devenu professeur de linguistique, sous le titre Padre Padrone.
La musique
Les Sardes sont, comme les Corses, des virtuoses du chant a cappella. Mais ils ont une affection particulière pour le « launed-das », sorte de cornemuse à trois tuyaux qui existerait depuis plus de deux mille ans. Utilisé par les bergers, il a longtemps résonné dans la solitude des massifs montagneux. Seul ou en compagnie de l'accordéon, il peut rythmer des danses endiablées, tel le « ballu tundu » ou ronde. Plus récemment, des groupes contemporains l'ont intégré à côté du synthétiseur pour créer un hip-hop détonant. Dans le domaine du jazz, l'île a produit l'un des solistes les plus réputés d'Italie, le trompettiste Paolo Fresu.