Les mots sont à l'Irlande ce que la lave est aux volcans. Il faut qu'ils sortent. Proportionnellement à sa population, c'est, sans doute, le pays au monde qui a produit le plus de poètes et d'écrivains. Qui a exporté le plus de textes de portée universelle, entre Les Voyages de Gulliver, de Swift, et En attendant Godot, de Beckett. On ne s'étonnera donc pas qu'à Dublin, un musée, The Dublin Writers Museum, rende un vibrant hommage à tous les chantres de l'île. Depuis les bardes, auxquels on prête volontiers la paternité du légendaire roi Arthur, les Irlandais apparaissent comme des conteurs nés, emplis de la tradition orale celte, qu'ils jettent des vers sur du papier ou qu'ils discourent une chope de Guinness à la main.
- Journal irlandais, Heinrich Böll (Le Seuil). Du Connemara au Kerry, l'écrivain allemand, prix Nobel de littérature, a traqué l'âme irlandaise avec autant de sagacité que de passion. - Un taxi mauve, Michel Déon (Gallimard). Des destins qui se croisent et s'entrecroisent, la tentation de l'amour et de la mort dans une Irlande mythique, où l'académicien français a vécu de nombreuses années. - Sept hivers à Dublin, Elizabeth Bowen (Anatolia/Le Rocher). Dublin il y a un siècle, à travers le regard d'une petite fille sage. - L'Ame noire, Liam O'Flaherty (Anatolia/Le Rocher). Ce roman d'amour, et sauvage, et sublime, est peut-être le meilleur livre du grand écrivain irlandais. - Insurrection, Liam O'Flaherty (Joëlle Losfeld). L'évocation, à peine romancée, du soulèvement de Pâques 1916. - Ulysse, James Joyce (Gallimard). Beaucoup considèrent cet ouvrage mondialement célèbre comme la pierre angulaire de la littérature moderne. Il est d'une lecture ardue. - Gens de Dublin, James Joyce (Gallimard). Les subtilités de la bourgeoisie dublinoise du début du siècle. - Les Iles Aran, John M. Synge (Petite Bibliothèque Payot/Les Voyageurs). Un climat prenant, une approche à la fois lente et mélancolique, fouillée et poignante des îles d'Aran à la fin du XIXe siècle. - Un peuple partisan, Brendan Behan (Gallimard). Membre de l'IRA emprisonné dès l'adolescence, l'auteur conte ici son expérience pénitentiaire. - Le Pornographe, John Mac Gahern (Presse de la Renaissance). Un livre sans illusions, puissant, très représentatif du courant littéraire actuel. - Les Cendres d'Angela, Frank McCourt (Belfond). Dans l'Irlande d'avant-guerre, l'histoire d'un petit garçon. Distingué par de nombreux prix littéraires, dont le Pulitzer 1997.
Les gloires littéraires
Et il y en a pour tous les goûts, entre le satirique Jonathan Swift, l'immoraliste Oscar Wilde, le romantique Oliver Goldsmith, la rurale Elizabeth Bowen, le politique Liam O'Flaherty, l'humoriste George Bernard Shaw, l'idéaliste Thomas Davis, le réaliste William Carleton... Du XVIIe siècle à nos jours, l'Irlande foisonne d'auteurs aussi divers que talentueux, qu'ils s'attaquent au roman, à la nouvelle, au théâtre ou à la poésie. Bien sûr, l'immense James Joyce (1882-1941) qui, avec Ulysse, planta les jalons de l'écriture moderne, leur fait parfois un peu d'ombre : statufié dans les parcs publics, il donne son nom à des rues, à des pubs, à des librairies ; Dublin lui dédie même une fête annuelle, à travers l'un de ses personnages : Leopold Bloom. Mais, en Irlande, il y a de la place pour tous les littérateurs, d'autant plus droits dans leurs bottes qu'ils durent longtemps affronter l'intolérance et la censure. Le roman irlandais contemporain se porte d'ailleurs très bien, auréolé plus qu'écrasé par la notoriété posthume de Joyce.
Les écrivains d'aujourd'hui
Souvent engagés et même brutaux, comme Brendan Brehan avec Un peuple partisan, volontiers provocateurs, comme John Mac Gahern avec Le Pornographe, parfois populistes, comme Doddy Doyle avec Paddy Clarke Ha Ha Ha, les écrivains d'aujourd'hui restent très imprégnés par la violence qui caractérise l'histoire de leur pays. Autant qu'avec de l'encre, la littérature irlandaise, souvent teintée de désespoir, est écrite avec de l'alcool et avec du sang. C'est dans cette tradition que s'inscrit Frank McCourt qui, en 1996, a obtenu le prix Pullitzer pour Les Cendres d'Angela, un des ouvrages capitaux de la fin du XXe siècle.
Cinéma
Tourné en 1951 dans le comté de Mayo, L'Homme tranquille, de John Ford, Américain d'origine irlandaise, a révélé au monde la beauté sauvage des paysages de l'île. Avec Gens de Dublin,John Huston, autre géant de Hollywood lui aussi originaire d'Irlande, a su porter subtilement à l'écran une des oeuvres majeures de Joyce. Dans The Commitments, l'Anglais Alan Parker a mis en scène, avec réalisme, la jeunesse défavorisée de la banlieue dublinoise, en s'appuyant uniquement sur des acteurs irlandais. Et c'est grâce à l'adaptation cinématographique, par Yves Boisset, du roman de Michel Déon Un taxi mauve, que beaucoup de Français ont eu envie de connaître l'Irlande. Mais le cinéma irlandais existe aussi par lui-même. Les cinéphiles le savent : dès 1934, Robert Flaherty tourna L'Homme d'Aran, film poignant consacré aux pêcheurs des îles situées au large de Galway, à mi-chemin du reportage et de l'oeuvre d'imagination. Depuis le début des années 1990, ses successeurs collectionnent les succès : Neil Jordan, le plus célèbre de tous, réalisateur de The Crying Game (1992) et de Michael Collins (1997), mais aussi Jim Sheridan, auteur de The Field (1990) et de Au nom du père (1993), sans oublier Pat O'Connor et son Cercle des amies (1995). Aujourd'hui, l'Irlande consacre de très nombreux festivals au cinéma. Y compris, à Dublin, aux films gays et lesbiens.
Musique et chant
Il existe une très forte tradition musicale en Irlande, où tout est prétexte à se réunir et à s'amuser. Pour chanter en public, l'Irlandais ne connaît pas de rival. Pour improviser non plus, en famille ou dans les pubs. Comme les bardes, il aime les refrains héroïques et mythiques. A travers la musique, il véhicule aussi ses idées patriotiques et politiques. La cornemuse irlandaise (uilleann pipe), la flûte métallique à six trous (tin whistle), le violon (fiddle), le tambourin en peau de chèvre (bodhran) : autant d'instruments traditionnels qui, soutenus par le tintement frénétique d'os ou de cuillères entrechoqués, ont toujours leur place dans les festivals(fleadhtha), relancés par Sean 0'Riada dans les années 1960.
Prix Nobel : quarté gagnant
« Qu'avez-vous à déclarer ? - Mon génie ! » Cette célèbre réplique de Oscar Wilde peut s'appliquer à l'Irlande, qui a enfanté quatre prix Nobel de littérature. Samuel Beckett, dont la majeure partie de l'oeuvre, profondément pessimiste, fut écrite en français. George Bernard Shaw, doué d'un humour dévastateur. William Butler Yeats, poète imprégné par les légendes celtiques. Et, plus près de nous, Seamus Heaney, couronné, en 1995, pour une oeuvre poétique s'inscrivant magnifiquement dans la tradition irlandaise.
La musique est partout !
Mais, de nos jours, les poussées de fièvre de la musique irlandaise dépassent, de loin, les limites de l'île. C'est le monde entier qui y succombe, avec des groupes aussi célèbres que U2, The Corrs ou The Cranberries. Il faut dire qu'à Dublin, la musique est partout. La ville annonce plus d'une centaine de concerts hebdomadaires, répertoriés dans le journal gratuit : The Event Guide. Techno, jazz, pop, country, rock and roll s'y disputent les scènes et les bars, mais aussi les rues, dans la grande tradition irlandaise du happening. Au Point Depot, le Zénith local, Dublin peut accueillir 5 000 mélomanes modernistes. Quant à Windmill Lane, le studio où le groupe U2 enregistra la plupart de ses succès, il est devenu un véritable lieu de pèlerinage.
The Corrs : le phénomène
Le Celtic Rock met le feu à la planète. Après U2 et The Cranberries, The Corrs tiennent la corde. Sharon au violon, Caroline à la batterie, Jim à la guitare et Andrea qui chante : à eux quatre, ils dépassent à peine cent ans d'âge. Soeurs et frère d'une famille dublinoise, ils sont beaux comme des dieux. C'est en 1991 qu'ils ont attiré l'attention de quelques spécialistes, en auditionnant pour le film The Commitments. En 1994, ils ne se produisaient encore que dans des pubs de province. Le succès est venu avec leur premier album : Forgiven, not Forgotten, vendu à 2 millions d'exemplaires. Leur second album, Talk on Corners, a dépassé les 3 millions de ventes, et, avec Dreams et I Never Loved you Anyway, ils occupent les sommets des hit-parades dans 22 pays. On les situe volontiers entre les groupes Abba et The Chieftains. Leur talent personnel fait le reste.